dimanche 18 décembre 2016

Acrobates mondains


Frère et sœur sans doute aucun, vers 1905.

D'eux, nul ne se souvient plus de rien : il ne reste que ces cartes postales.
Dans les foires, dans les prés, dans les salons, ils jouaient de la mandoline l'un au-dessus de l'autre.
On les imagine allant de village en village dans les roulottes d'un petit cirque, toute une famille chaleureuse d'acrobates à la petite semaine, le papa briseur de chaînes et la maman danseuse de corde, les enfants passant loin des écoles, les parents loin des gendarmes.

Et puis grandir, ailleurs, autrement, comme ils ont pu, à travers le XXe siècle.

L'heureux temps. Chaque cité était une grande famille que la peur unissait ; le chant des mains à l'œuvre et la vivante nuit du ciel l'illuminaient. Le pollen de l'esprit gardait sa part d'exil.
Mais le présent perpétuel, le passé instantané, sous la fatigue maîtresse, ôtèrent les lisses.
Marche forcée, au terme épars. Enfants battus, chaume doré, hommes sanieux, tous à la roue ! Visée par l'abeille de fer, la rose en larmes s'est ouverte.
René Char

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