lundi 14 avril 2014

Friches ferroviaires

Une voie ferrée abandonnée.
Autrefois, on  y voyageait dans un petit autorail rouge et jaune. Plus tard dans un autorail bleu. On l'entendait tous les soirs depuis le jardin, d'abord les deux tons de la sirène, puis le claquement des roues métalliques sur les rails et ensuite seulement, on le voyait apparaître, sortir du bois Mirey comme un petit ver de couleur sur le fond vert des prés.
Souvent, on s'était dit qu'un jour on le prendrait jusqu'au bout de la ligne, pour voir à quoi ressemblaient les gares — même si on savait qu'elles étaient toutes identiques jusqu'à Troyes.
Et puis, trop tard, la ligne a fermé.

 













Certains tronçons ont été démontés, d'autres sont impraticables et des arbres poussent entre les rails. Là, on entend des nuées d'oiseaux, le taillis bouge quand on tente d'y pénétrer et on sait que les animaux qui s'y terrent vous suivent des yeux. Quand il n'y a pas d'arbres, ce sont des buissons, des ronces, des joncs, du genêt.





Une fois, j'y ai croisé un putois.

On y trouve aussi des débris, des cendres, de la mousse, des lichens, des journaux décomposés en pâte blanche. De vieux sièges de voiture comme des squelettes d'amours défuntes.



Les rails vont vers l'Est. Ou vers l'Ouest.
Les panneaux de signalisation sont toujours intacts, prêts à reprendre du service.


Le ballast brille toujours de différents tons de bruns et de gris cristallins, il roule et crisse sous les pieds. Entre les galets, on trouve de petits cailloux de couleur, des brindilles sèches, des coquilles d'escargot blanchies par l'hiver.

 
Dans les petites gares, ils se séparent en deux voies, puis se referment sur une seule. Les aiguillages fonctionnent encore.









Parfois, on arrive à une usine à l'abandon, à un silo. La voix résonne dans la structure vide, les oiseaux s'envolent qui picoraient le reste du grain de l'an dernier. On quitte le brun, on quitte le scintillement du minéral, on quitte la lumière diffuse du végétal au printemps, ce sont les couleurs crues des matières industrielles.
On quitte une géométrie pour une autre.













Ailleurs, le reste d'un hangar désossé s'étale le long de la voie, des pans de béton lépreux, un conteneur oublié comme une barge le long d'un canal asséché.











Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire