vendredi 7 février 2014

Pour conjurer la fièvre


Nuit de février, tempête derrière ma fenêtre,
le vent qui siffle et la fièvre qui me fait battre les tempes.
Les draps qui m'étouffent, le bruit de la pluie sur la vitre,
et moi, je me vois marcher dans Sainte Sophie éteinte,
toute seule sous les voûtes obscures, autour de moi, des voix
qui murmurent dans une langue que je ne sais pas.




Айя-София — здесь остановиться
Судил Господь народам и царям!
Ведь купол твой, по слову очевидца,
Как на цепи, подвешен к небесам.

И всем векам — пример Юстиниана,
Когда похитить для чужих богов
Позволила Эфесская Диана
Сто семь зеленых мраморных столбов.

Но что же думал твой строитель щедрый,
Когда, душой и помыслом высок,
Расположил апсиды и экседры,
Им указав на запад и восток?

Прекрасен храм, купающийся в мире,
И сорок окон — света торжество;
На парусах, под куполом, четыре
Архангела прекраснее всего.

И мудрое сферическое зданье
Народы и века переживет,
И серафимов гулкое рыданье
Не покоробит темных позолот.

1912 
 Осип Мандельштам, Tristia



Hagia Sophia – Lord decreed
Nations and kings shall stop here!
Truly your cupola hangs, in the words of a witness,
As if by a chain from the heaven.


And for the ages, Justinian’s example:
When Diana of Ephesus allowed
One hundred and seven green marble pillars
To be plundered for foreign gods.


But what was your generous maker thinking,
When, in soul and concept high,
He arranged apses and exedrae,
Directing them West and East?


Beautiful temple, bathed in the world,
And forty windows – a triumph of light;
On the spandrels, beneath the cupola, four
Archangels – most beautiful of all.


And the wise, spherical building
Will outlast nations and ages,
And the seraphims’ resonant sobs
Won’t warp dark gilt.


OSsip Mandelstam, (translated by Kevin Platt and Charles Bernstein)



Hagia Sophia : le Seigneur a enjoint
Que les peuples et rois aillent vers elle !
Comme par une chaîne, selon un témoin,
Sa coupole fut suspendue au ciel.

Que Justinien soit exemple à jamais :
Alors, Diane d’Éphèse laissa faire
Et pour le culte de dieux étrangers
Se fit voler cent sept piliers de marbre vert.

Ton bâtisseur qu’avait-il donc en tête
Lorsque, suivant son cœur et son esprit puissant,
Il disposa absides et exèdres
En leur montrant l’Orient et l’Occident ?

Baigne dans la paix, temple sans égal,
Triomphe de lumière en quarante fenêtres ;
Quatre archanges tendus comme des voiles
Sous la coupole, et plus beaux qu’aucun être…

Et le sphérique édifice, sage et divin,
Par delà peuples et siècles perdure,
Et les sanglots vibrants des séraphins
Ne froisseront jamais les sombres dorures.

Ossip Mandelstam, Pierre (traduit par Henri Abril)





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