lundi 16 décembre 2013

Daguerréotypes (1)



Ce sont des images tachées, grattées, griffées par le temps.






Le daguerréotype mis au point par Louis Daguerre en 1839 était constitué d'une plaque, généralement en cuivre, recouverte d'une couche d'argent qui, exposée à des vapeurs d'iode, produisait de l'iodure d'argent photosensible. Le temps d'exposition était d'environ vingt à trente minutes. Celles qui nous sont parvenues, conservées pour celles de ce post à la Bibliothèque nationale de France ou au Musée d’Orsay notamment, sont empreintes de cette raideur que donne la longueur de la pose. 











C’était un procédé uniquement positif qui ne permettait aucune reproduction ultérieure de l'image : celles que nous conservons sont des pièces uniques, elles ont été tenues dans les mains, tendues à d’autres mains par dessus la table, caressées et embrassées peut-être, collectées.








Combien de ces premières photos évoquent ainsi un monde après la catastrophe, un monde désert, des corps fondus dans la blancheur de la lumière, des visages dévorés par les ombres, effacés dans le corps du papier ?
Des visages qui ne sont plus pour nous que des fantômes, d’une part parce qu’ils ont disparu depuis si longtemps que nous ne voyons plus en eux que des morts, et d’autre part parce que les ombres blanches, les taches obscures, les marbrures des daguerréotypes font de ces portraits des images irréelles d’êtres qui n’ont peut-être jamais eu d’autre existence que dans notre regard ou dans nos rêves.






Les visages se sont vidés de toute expression impossible à maintenir — ne reste que l’essence des êtres, ou la rigidité de la mort.






 











Images de ces voyages où des voyageurs fascinés cherchèrent à saisir l’âme de l’étranger, fondue sur la plaque au cœur des souillures laissées par les embruns. Images de missionnaires. Images de ces familles où l’étrangère, la femme noire, l’autre, parvient au cœur de l’intime et nourrit l’enfant blanc.











 
Images d’affection. Images de ces enfants encore enfants devant nous, longtemps après qu’ils fussent devenus femmes et hommes et vieillards et défunts.













 

 






























Et un chien endormi, par delà plus d’un siècle.


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